Servir spontanément à Sainte Lucie et Saint Vincent
Friday, August 31, 2007
Natoria, une jolie jeune fille de 13 ans, svelte et plutôt effacée, était presque toujours là devant l’école au moins une bonne heure avant le début de la première session de notre camp d’été. Elle était assise à une table pliante au pied du mur coloré de l’école de Vide Bouteille. Nous étions venus en bus installer la sono et un projecteur pour préparer le dernier jour de notre camp. Le reste de l’équipe allait venir en voiture.
Personne ne lui avait rien demandé, mais Natoria s’est mise à nettoyer à fond le bureau à l’entrée de la pièce. Ensuite elle a essuyé chaque chaise de la salle avec un chiffon. À voir le zèle de Natoria pour servir le camp comme cela, on avait la preuve que notre semaine de camp d’été pour la formation du caractère avait fait de l’effet sur au moins une des participantes.
Le jeudi, nous n’avions pas seulement parlé de la prise de responsabilité mais avions donné à chacun l’expérience de découvrir sa vraie valeur en servant les autres. Pendant que les uns s’affairaient à nettoyer et repeindre le tableau noir, une autre équipe balayait et lavait la salle et deux autres équipes munies de sacs poubelles ramassaient les détritus dans l’école et les environs. Ceux qui sortaient du périmètre de l’école essuyèrent bien les quolibets de quelques badauds dans les rues mais continuèrent à chanter et travailler ensemble jusqu’à ce que tous les sacs soient remplis.
L’école de Vide Bouteille est dans Castries, capitale de la belle île de Sainte Lucie à l’extrémité sud-est des petites Antilles. Rémy et Chyoko Taupier, qui dirigent la FPU à Sainte Lucie, avaient organisé un camp d’été de cinq jours, du 23 au 27 juillet. Le CARICOM et le ministère de l’Éducation et de la Culture avaient aussi apporté leurs parrainages à ce camp.
Outre Gina Standard, Kuna Hamad, Kenny Wolfenberger, les Taupier et moi, l’équipe pédagogique comprenait aussi Lisa Degoede de Seattle, Yoshiko Go et Chika Sanzen du Japon et Dwight Augustin de Sainte Lucie. Le thème du camp était « Combattre le VIH/sida en construisant la personnalité », message ciblant des jeunes de 12 à 18 ans. Il y avait 40 étudiants pour ce premier camp de l’été. Le programme commençait à 9 heures pour se terminer vers 15 heures 30, en général avec un match de volleyball ou de football improvisé.
Toute la journée se passait en leçons et discussions, soit par l’enseignement formel du cours Discovering the Real Me, soit en faisant des cartes festives dans un cours de travaux manuels, ou encore autour d’un bon plat de poisson au riz et aux lentilles. Dans tous nos partages, nous voulions imprimer très fort en chaque enfant qu’il est une personne d’une grande valeur que l’on doit traiter avec respect et un véritable amour. Le message était clair : on peut enrayer la propagation du VIH par l’abstinence pré-maritale et la fidélité conjugale. C’est triste à dire, mais les Caraïbes ont un taux d’infection au VIH phénoménal (le plus élevé du monde après l’Afrique sub-saharienne) ainsi qu’un nombre extrêmement élevé de foyers monoparentaux. Ce sont surtout des femmes qui en ont la charge, beaucoup ayant eu leur première grossesse à l’adolescence.
Les Taupier, avec presque tout le reste de leur équipe, ont organisé des camps dans deux autres écoles. En tant que coordinatrice du programme d’été de la FPU pour les étudiants pairs éducateurs, je me suis envolée avec Gina à Saint Vincent, une petite île voisine au sud de Sainte Lucie. Nous y avons été accueillies par Abner Richards, directrice d’un camp de cinq jours (30 juillet–3 août) dans l’Académie pluridisciplinaire de Barrouallie, une école secondaire pour des élèves qui veulent se former au commerce.
C’était le premier camp de ce type à Saint Vincent. Nous y avons été rejoints par Dwight Augustin, Dannel Chassang et Arlette Cenac, tous trois de Sainte Lucie. Madame Cenac est une proviseure en retraite et une Ambassadrice de paix qui veut apporter la formation du caractère à la jeunesse caribéenne. Dwight et Dannel sont des conseillers chrétiens qualifiés qui opèrent dans des écoles publiques tout au long de l’année et font passer le message de l’abstinence dans des cours d’Éducation à la vie familiale. Ces cinq personnes allaient constituer l’équipe de soutien pour les éducateurs et conseillers de Saint Vincent formés par M. Alan Saunders.
Le programme, les activités et les leçons suivaient le même modèle qu’à Sainte Lucie, avec des élèves de 12 à 18 ans. Madame Kyoto Kuramoto, présidente de la Fédération des femmes pour la paix mondiale dans les Caraïbes, donnait des cours d’artisanat. Madame Cenac et moi animions un atelier de théâtre ; et M. Piere, enseignant de l’école, dirigeait les activités sportives.
Ce fut une semaine très active, coïncidant avec la fête nationale. Le 1er août est le Jour de l’émancipation, commémorant l’émancipation des esclaves en 1834. C’est un jour où on se retrouve en famille pour des pique-niques et tous les lieux de travail et les magasins sont fermés. Nous avions presque tout le monde ce jour-là et, répartis en équipes, nous avons nettoyé l’école à fond. M. Crease, le proviseur, en était ravi.
La maison de l’Espoir, société locale de bienfaisance luttant contre le VIH/sida, a parrainé une visite à Saint Vincent de l’équipe de WAIT (Washington AIDS International Teens). Ils étaient venus recruter et former une équipe à Saint Vincent, amenant dans notre camp leur musique, leurs danses et leurs ateliers de théâtre. En réponse, un de nos participants, « Biggie » (Glenroy John) a chanté la chanson qui lui a valu en 2006 un prix national dans le concours de chanson sur le thème du VIH/sida.
Une expérience de cinq jours, c’est fou l’effet transformateur que ça peut avoir. Être arrivés en si peu de temps à un tel sentiment d’unité et de joie laisse espérer beaucoup sur les retombées du suivi de ces programmes.