Adresse lors du Sommet Mondial 2017, Séoul, Corée, du 1er au 5 Février 2017

 

 

Monsieur le Président de la Fédération Universelle Pour la Paix, 

Distingués invités,

En vos rangs et qualités, tout protocole observé,

Mesdames et Messieurs,

Je ne puis commencer mes propos sans remercier le Conseil de la Fédération Universelle pour la Paix. Elle qui m’a fait l’honneur de m’inviter à ce Forum, comme aux précédents.

Merci, mes chers frères, d’avoir fait de moi un membre à part entière de la grande famille spirituelle au service de l’humanité, son progrès, sa quiétude, son mieux être.

Ensuite, à chacune de vous, à chacun de vous, distingués invités, je voudrais souhaiter une année de santé et de succès, ainsi qu’à vos familles et à vos proches.

Il va sans dire enfin qu’à mes sœurs et frères de Corée, j’apporte le salut de mes compatriotes maliens.

Au-delà des méridiens et des océans, nous sommes de la même aventure. Tous passagers du même bateau, avec obligation de regarder dans la même direction, et de partager avec ceux qui n’ont rien, le peu que nous avons.

Car nos destins sont solidaires, ils ne peuvent pas être solitaires.

Car les festins pour les uns et la faim pour les autres ne saurait être  un modèle durable.

Et heureusement, des parties du monde ont prouvé que l’homme peut aller rapidement du sous-développement à la société post industrielle.

La Corée où nous nous trouvons aujourd’hui est un de ces exemples de réussite, une de ces lueurs sur les routes de millions et de millions d’individus qui n’ont pas assez à manger, qui ne peuvent pas se soigner, qui ne peuvent pas se loger, qui ne peuvent pas se vêtir, et qui ne peuvent pas étudier.

Mais toutes ces difficultés d’aujourd’hui ne doivent pas occulter le formidable potentiel d’interaction et de solidarité qui existe et qui s’exprime, même s’il reste encore  hélas à structurer pour atteindre la masse critique dont nous rêvons : du pain pour tout le monde ; un toit pour chacun, l’emploi comme norme et pas comme exception, le savoir à la portée de tous car c’est lui qui libère.    

Il n’y a pas d’autre raison à nos rencontres, désormais devenues un rituel, que de permettre à chacune et chacun de nous de se ressourcer et de renvoyer chacune et chacun de nous à ses responsabilités, nous intimant ainsi de ne pas dormir sur nos lauriers et de garder le cap sur le dépassement de soi, l’amour des autres et le sens du partage.

C’est pourquoi nous parlons de paix chaque fois que nous nous retrouvons. La paix non pas comme une simple rengaine. Mais  plutôt comme un substrat. J’allais dire comme un socle, comme le socle de tout ce que nous entreprenons.

Et nous avons raison. Parce que la paix est la première des infrastructures. Tout se construit sur cette ressource. Rien n’est possible sans elle.

 La paix des cœurs, la paix des familles, la paix des nations, la paix du monde. Avec les mêmes corrélations qui existent entre les ruisseaux et les fleuves, les fleuves et les estuaires et les deltas , et entre les estuaires et les delta et les mers et les océans.

C’est une façon, Mesdames et messieurs, de dire que tout se tient, que tout s’imbrique, qu’il n’y a rien d’isolé.

J’ai dit plusieurs fois lors des fora antérieurs de la Fédération Mondiale pour la Paix que sans paix il n’y a pas de développement et que sans développement il ne saurait avoir de paix, et que pour un mathématicien comme moi il y avait une équivalence logique entre paix et développement.

C’est pourquoi il faut et il suffit d’obtenir le développement pour obtenir la paix !!

C’est pourquoi en tant qu’Ambassadeur de la paix nous devons être, nous sommes aussi des Ambassadeurs du développement.

C’est pourquoi chaque geste compte. Chaque humain est comptable de son propre devenir en même temps que de l’avenir du monde.

Nous le savons tous : ce sont les ruisseaux qui forment les fleuves, et les fleuves qui forment les océans.

Oui. La paix globale, sans laquelle l’humanité n’a ni présent, ni avenir, parce qu’elle sera sans aucune assurance, est compromise certes par  des comportements isolés mais aussi par des modèles sociaux acceptés alors qu’au fond, ils font reculer le champ de l’éthique et de la morale.

Il est indécent que huit capitaines d’industrie, fussent-ils les plus entreprenants, gagnent à eux seuls les revenus cumulés de trois milliards et demi d’hommes et de femmes, parmi les plus pauvres de la planète.

Il est indécent qu’un patron du CAC 40 ou du Dow Jones gagne en salaire annuel et à lui seul les revenus de dix mille ouvriers du textile au Bengladesh.

Il est indécent, au nom d’un modèle économique fanatique de la religion du tout- marché, que  l’accroissement débridé des marges bénéficiaires comprime les salaires d’honnêtes employés qui doivent faire vivre leur famille et éduquer leurs enfants.

C’est tout l’enseignement du rapport qu’Oxfam vient de publier à l’attention du monde et intitulé « Pour Une économie au service des 99% », c'est-à-dire l’écrasante majorité des occupants de la planète.

En lieu et place d’une économie au service des 1% comme cela est à craindre, si nous continuons avec la spirale inégalitaire qui prevaut.

Il est temps que le monde se penche sur les entraves au bonheur universel. Elles sont nombreuses mais une d’entre elles frappe particulièrement les esprits.

C’est la tragédie des migrants qui affrontent la mort dans les océans, ceux de la Vallée du Jourdain comme ceux des dunes du Sahel qui cherchent à fuir la misère.

Il est indéniable qu’ils sont les victimes du mal-développement et que le mal développement est aussi une question de gouvernance sous bien des latitudes.

Indiscutablement un problème dépendant des gouvernants des pays de départ mais aussi une question de partage, une nouvelle question de partage des richesses basée sur la conscience aigüe des scénarios d’évolution possibles du monde : celui qui fait notre bonheur à tous ou celui qui fait apparemment le bonheur de quelques uns mais qui est en réalité un facteur de non développement donc de non paix et qui signera inéluctablement notre malheur à tous.

Il est temps alors qu’un nouveau pacte de solidarité et de croissance soit discuté entre les nantis et les plus pauvres, dans le but d’accélérer l’avènement des sociétés de prospérité partagée, où l’opportunité existe pour chacun de s’épanouir.

Mesdames et messieurs,

La paix, il est vrai, dépend aussi et très largement du capital immatériel de l’humanité.

 Celui-ci à mon sens, n’est pas que la partie que l’on ne voit pas au bilan de l’entreprise.

En plus du capital humain, du capital-processus, du capital relationnel, ce concept doit théoriser et intégrer aussi et surtout le capital éthique, c'est-à-dire notre corpus moral et comportemental.

Au nom de la morale et des bonnes mœurs, aucun être humain ne devrait imposer sa religion ou sa doctrine, sa dictature à d’autres.

Or on le voit, sous le couvert d’une religion qu’ils croient maîtriser plus que d’autres, des groupes obscurantistes sévissent, asservissent des communautés entières.

Excusez-moi, si je reviens au cas de mon pays, un pays d’islam tolérant et ouvert, pacifique et généreux qui s’est trouvé en 2012 sous la férule de doctrinaires illuminés qui n’hésitaient pas à violer, amputer, flageller et égorger des citoyens désarmés.

Ailleurs aussi, ces groupuscules tentent de faire la loi, devenant de véritables obstacles à la paix et donc au développement et à la stabilité des sociétés, par une guerre lâche que d’aucuns osent qualifier d’asymétrique et qui est en fait tout simplement un attentat à la civilisation.

Leur objectif est clair : c’est d’attenter à la civilisation, à la quiétude, à l’harmonie entre les cultures et les hommes ; c’est d’opposer même les voisins de palier ; c’est de détruire un capital éthique, construit sur des millénaires d’histoire où l’homme grâce à la réflexion a pu produire des normes et des règles pour régenter la vie en commun.

Cette menace qui vise l’effondrement de la société humaine, nous devons la combattre avec la dernière énergie. Sous peine d’ajouter à la misère économique, une misère bien plus importante : la misère spirituelle.

Mais nous avons les moyens de notre victoire. Parce que l’humanité a affronté, au cours de sa longue et riche histoire, des défis bien plus grands.

Et parce que nous avons aujourd’hui ce que les générations précédentes n’avaient pas : une somme d’expériences, de leçons et de moyens susceptibles de nous aider à formuler les réponses les plus adéquates aux problèmes posés, en évitant d’enfoncer les portes ouvertes et en mettant le curseur juste où il faut.

Jamais l’homme n’a bénéficié d’autant de connaissance qu’aujourd’hui.

Jamais il n’a possédé autant de richesse qu’aujourd’hui.

Jamais, l’être humain n’a été aussi capable de concrétiser l’aspiration universelle au bien-être et à la paix.

C’est cela le développement. Il est à notre portée.

Le reste est une question éthique : accepter de partager et refuser de voir son prochain mourir à la porte des hôpitaux faute d’assurance-maladie.

Notre vie n’a de sens que si nous oeuvrons à un tel monde.

Notre rassemblement n’a de valeur que si en partant d’ici nous travaillons chacun à façonner un tel monde, riche des échanges que nous aurons ici et de ce que nous savions tous avant de venir ici : à savoir que la côte d’alerte est atteinte et que si nous ne changeons pas nos comportements, nous rendrons la vie impossible pour les générations futures.

Vive la paix.

Vive l’homme.

Merci pour votre attention

 

 


 

H.E. Prof. Dioncounda Traore, President (2012-2013), Mali

President Traoré has served the nation of Mali in many important positions, including: President of the National Assembly of Mali; Minister of Foreign Affairs; and President of the Alliance for Democracy and Progress (ADP). He became president from 2012 to 2013. President Traoré studied in the Soviet Union, at the University of Algiers, and at the University of Nice.

 


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