A. Betancourt : Les Etats-Unis et l'Amérique latine, vers une alliance de paix
Thursday, March 20, 2008
Cette globalisation se fait par blocs, certains plus avancés que d’autres. Ayant commencé par des accords économiques et industriels, l’Union européenne se dirige vers une vraie union politique et une constitution commune. Des logiques similaires s’observent en Asie et en Afrique, à des rythmes plus ou moins rapides.
Chère au Dr Sun Myung Moon, qui en a souvent parlé, l’intégration de l’Amérique du Sud accomplirait le rêve des pères fondateurs, tels José de San Martin (1778-1850) et Simon Bolivar (1783-1830), le libérateur de cinq républiques : Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou et Venezuela. En réalité six républiques, car le Panama faisait alors partie de la Colombie. Tout comme Washington, il refusa d’être empereur après la libération. Alors qu’on lui offrait la couronne d’empereur, il déclara : « Je ne me suis pas battu pour la liberté des peuples afin de leur imposer le système dont nous avons pu nous affranchir. » Estimant que dans l’unité de ces nations résidait l’avenir radieux de leurs peuples, il lutta pour une libération qui déboucherait sur des fruits d’unité.
Le Dr Moon envisage l’unité entre l’Amérique du Nord, l’Amérique Centrale (Caraïbes comprises) et l’Amérique du Sud dans le cadre de l’intégration globale, en particulier avec les pays du bassin du Pacifique. Selon lui, le colosse nord américain doit établir de bons rapports avec ses voisins immédiats. C’est le préalable pour un voisinage amical avec le reste du monde auquel il aspire.
Trop longtemps, l’Amérique Latine n’a pas été une priorité des États-Unis. Les media, la finance et le commerce n’en font pas une priorité. Si les États-Unis avaient accordé à l’Amérique latine la même attention qu’ils ont eue pour l’Asie orientale, l’Asie du Sud-Est et l’Europe, les économies d’Amérique latine seraient en rythme avec celle des États-Unis. Tout en pesant de son pouvoir économique en Corée, en Chine et en Europe pour y contenir le communisme, en abaissant les tarifs et en investissant dans les produits manufacturés, Washington accablait l’Amérique latine de tarifs et d’obstacles invraisemblables. On s’alliait en outre à des dictateurs, jugés plus commodes pour mener la politique étrangère : avec des oligarques et des hommes forts, c’était plus facile qu’avec des démocraties et des parlements.
Selon le Dr Moon, les États-Unis seront dans leur rôle de bon voisin et de frère aîné amical s’ils montrent l’exemple et acceptent les règles du jeu. Il décrit les rapports entre nations à la lueur du paradigme biblique de Caïn et Abel. Une « nation de type Abel » est une nation qui a la faveur de Dieu, tel le frère cadet dont le sacrifice fut agréé par le Ciel. Mais c’est aussi une nation qui sait transformer les idées en ressource et en richesse. Tout le contraire de Caïn, en somme : d’après la Bible, celui-ci sombra dans la rancœur en voyant son offrande refusée. Caïn, c’est celui qui n’arrive pas à décider au jour le jour ce qu’il fera pour sortir de sa pauvreté. Les ressources ont beau grouiller autour de lui, il ne sait comment mobiliser le tas d’or sur lequel il est assis. En « bon Abel », les États-Unis doivent s’unir avec l’Amérique latine, qui a les trésors. Les Américains qui ont une destinée commune, devraient montrer le bon exemple au reste du monde.
La mondialisation entraîne la standardisation dans maints domaines : transports, communication, santé, droits de l’homme, procédures légales. Le processus d’intégration passe lui aussi par un nouveau système éthique. Le Dr Moon nous incite à travailler à l’intégration de l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud en s’appuyant sur un noyau de valeurs universelles que les personnes de foi ont en commun et servir par là-même d’exemple. Le monde a besoin d’un rapprochement des valeurs éthiques de base qui feront de nous une seule famille en Dieu.
L’exercice n’est pas nouveau. Il a déjà servi à créer AULA, l’Association pour l’unité de l’Amérique Latine, en 1984. Le Dr Moon avait donné des fonds pour rénover la maison de Simon Bolivar à Carthagène, en Colombie. Nous avons commencé par rassembler les fondateurs encore en vie de l’Alliance pour le progrès (qui devait devenir plus tard le Peace Corps) mise sur pieds par le président John Kennedy et la Banque de développement inter-américaine. Nous leur avons demandé de nous aider à développer des idées qui favoriseraient l’intégration latino-américaine. De là sont sorties les idées du Sommet des Amériques ainsi que du Sommet ibéro-américain.
Nous avons organisé des réunions avec certains des esprits les plus brillants de l’hémisphère occidental, et les anciens de ces conférences ont fait de très nets progrès entre 1984 et 1992. Certains d’entre eux ont été les fondateurs du MERCOSUR, ce marché commun d’Amérique du Sud qui a regroupé l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay en 1991. Des anciens d’AULA ont aussi pris part à la naissance du Traité de libre échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Avant qu’il puisse y avoir intégration, le Dr Moon nous demande de travailler sur le fossé spirituel entre le Nord et le Sud, ce qu’il appelle la division entre les protestantismes (nés de la Réforme luthérienne) et le catholicisme. En 1996, le Dr Moon, travaillant avec le Dr Frank Kaufman et M. Douglas Joo, a réuni quelques 8 075 ecclésiastiques
(catholiques et protestants) latino-américains à Montevidéo en Uruguay pour une série de conférences. Le Dr Moon lui-même y enseigna 800 dirigeants chrétiens chaque semaine pendant dix semaines, afin de jeter les bases pour l’intégration des différentes traditions au sein du christianisme latino-américain.
Les chrétiens catholiques, orthodoxes et protestants doivent s’unir et parler d’une seule voix pour préserver l’héritage sacré et la portée des saintes écritures que nous ont léguées nos ancêtres, sans quoi le monde profane nous imposera une culture globale où Dieu et la spiritualité sont absents ou réduits à des valeurs et des constructions purement humaines. Les chrétiens de toutes tendances ont besoin de dialoguer entre eux d’abord avant de se lier aux fidèles d’autres fois : bouddhistes, confucianistes, juifs, hindouistes, musulmans, etc.
En dehors du dialogue, les groupes religieux des Amériques doivent s’atteler ensemble à l’intégration en s’appuyant sur le bénévolat interreligieux, et répondre ainsi aux besoins concrets de la population. Le Dr Moon a montré l’exemple, avec le Religious Youth Service (RYS, Jeunes fidèles bénévoles), organisateur de projets qui prônent une culture d’entraide et d’altruisme. Cet organisme a parrainé plus de trente projets de bénévolat dans toute l’Amérique latine et les Caraïbes, la plupart avec le soutien de gouvernements nationaux ou locaux et de congrégations religieuses.
Un projet essentiel pour unifier le Nord et le Sud est d’achever l’autoroute panaméricaine. Le trajet routier direct de l’Alaska à la terre de Feu n’est pas possible, car il faut un bateau ou un avion pour traverser les marécages du Darién Gap entre le Panama et la Colombie. L’autoroute panaméricaine s’est arrêtée au vingtième siècle car la technologie pour creuser des tunnels dans les marécages n’était pas bien développée. Aujourd’hui, la technologie est là.
Unir l’Amérique du Sud, puis toutes les Amériques est un rêve qui peut se réaliser d’ici dix ans… ou cinquante ans. Peu à peu, on réunira les peuples, en s’efforçant vraiment de les servir, en unissant les populations dans chaque pays, en reliant les nations entre elles, et enfin en unissant les Amériques du Nord et du Sud en vue d’arriver à une grande famille unifiée en Dieu.
Le Dr Antonio Betancourt travaille depuis 30 ans dans les affaires internationales. Directeur de programmes de l’Initiative de paix au Proche-Orient depuis ses débuts en 2003, il travaille aussi sur le dossier de l’initiative de paix en Asie du Nord-Est ce texte est le discours qu’il a prononcé en décembre 2007 à Washington dans le cadre d’une Conférence internationale pour dirigeants